D'où vient mon chien?

Nous sommes un élevage familial. Tous nos chiens vivent dans la maison avec nous. Tous nos chiens sont vermifugés, vaccinés et micropucés et viennent avec une garantie. Oui, mais encore?

Il y a beaucoup d’éleveurs et l’offre de chiots est abondante. Les phrases énoncées plus haut sont des phrases types qu’on trouve dans toutes les annonces de vente de chiots. Mais que veulent-elles dire? Quelle est la réalité de ceci?

Je vous l’accorde, pour l’amateur de bouledogue français qui « magasine » un chiot, ce n’est pas toujours facile de s’y reconnaître. (Un jour, une éleveuse m’a demandé s’il y avait un « guide illustré » du standard du bouledogue français, il m’a fallu 6 mois pour en trouver un...)

On lit souvent des conseils de type généraux, du genre « visitez l’élevage », insistez pour voir les reproducteurs et posez des questions à l’éleveur. Lesquelles? Trop souvent, on ne sait pas pour quelles raisons on doit poser ces questions... Ni même ce qu’on veut rechercher ou ce qu’on doit rechercher... Que doit-on attendre d’un éleveur, quel type de chien recherche-t-on et comment savoir si cela correspond à nos critères?

Alors nous avons pensé vous faire un petit guide/lexique. L’objectif de cet article n’est pas de poser un jugement mais d’aider le lecteur à faire des choix éclairés quand vient le temps de choisir son futur chiot et son éleveur.

Enregistré CKC/CCC? L’enregistrement d’un chien auprès de Club canin canadien (« CCC ») ou Canadian Kennel Club) est le seul moyen, en vertu de la Loi sur la généalogie des animaux, de s’assurer qu’un chien est de race pure. Autrement, il n’y a pas de garantie que le chiot, ou un de ses ancêtres n’ait pas été, à un moment ou à un autre, croisé avec un chien d’une autre race.

On entend souvent de futurs adoptants dire qu’« ils ne paieront pas pour un papier ». En fait, personne ne paie pour un papier, un enregistrement au CCC ne coûte qu’une cinquantaine de dollars. Ce que vous achetez, c’est l’assurance de faire affaires avec un éleveur sérieux qui a des obligations et des comptes à rendre au CCC. Un enregistrement vous permet également de savoir d’où vient votre chiot : a-t-il des ancêtres qui proviennent d’un autre pays? De quelle couleur étaient les parents? À quelle lignée appartient-il? Est-ce que des individus issus de cette lignée ont eu des problèmes de santé? En effet, c’est facile d’obtenir cette information avec le nom des individus, il est possible de retrouver d’autres individus partageant la même génétique dans les banques de données de l’Orthopedic Fondation for Animals (« OFA ») et de savoir s’ils ont eu des problèmes de santé similaires.

Par ailleurs, il y a un autre aspect auquel on ne pense que très peu lorsqu’on achète un chiot qui n’a pas de papiers. Cet aspect va de pair avec la réflexion que se font certains adoptants lorsqu’ils disent avoir acheté un chiot sans papiers, mais être certains que le chiot est de race pure parce que les parents sont enregistrés.

Sachez qu’il y a deux façons d’enregistrer un chiot auprès du CCC : il y a un enregistrement avec un accord de non-reproduction et un enregistrement avec pleins droits (avec droits de reproduction). Les chiots issus d’un accouplement entre des chiens vendus avec un accord de non-reproduction, ne peuvent être enregistrés auprès de CCC. Lorsqu’un éleveur vend un de ses chiens avec les droits de reproduction, généralement, il s’assure de savoir à qui il confie son chiot (aucun éleveur que je connaisse ne souhaite qu’un de ses chiots finisse ses jours dans une usine à chiots ou qu’il soit « surutilisé » pour la reproduction) et le chien est vendu au moins deux, trois ou quatre fois le montant qu’il aurait été vendu en tant que compagnon. En résumé : un éleveur paie non seulement pour le chien, mais également pour avoir le droit de le reproduire.

Ce qui m’amène à la réflexion suivante : si vous achetez un chiot d’un éleveur qui reproduit des chiens pour lesquels il n’a pas acquitté les droits de reproduction, quel genre de pratique encouragez-vous?

Éleveur certifié : Il n’existe pas de certification pour les élevages au Canada. Cette mention ne veut, pratiquement, rien dire. Les éleveurs peuvent devenir membres du CCC et enregistrer leurs chiots en acceptant de souscrire à un code de conduite, mais c’est à peu près le seul contrôle que le CCC effectue auprès des éleveurs. Le CCC travaille actuellement sur un projet de certification des élevages. Sachez par ailleurs que tout éleveur qui possède plus de 15 chiens doit détenir un permis émis par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ). Malheureusement, le MAPAQ n’a pas assez d’inspecteurs pour s’assurer que les détenteurs de permis respectent la législation en matière de bien-être animal.

Élevage éthique : Voilà une autre belle utopie…tout comme il n’existe pas de certification pour les éleveurs, il n’existe pas non plus de certification pour les élevages (comme il y a déjà eu des certifications ISO pour les entreprises). L’éthique est donc l’affaire de chacun et reflète un schème de valeurs auxquelles on décide d’adhérer ou non. Il vous appartient donc de poser des questions à votre éleveur et de voir si vous partagez sa façon de faire et sa vision de l’élevage.

Broker ou revendeur : Ce sont des personnes qui achètent des chiens outre-mer souvent à petit prix et qui les revendent ici au prix du marché. La problématique avec un broker c’est qu’il est difficile, voire impossible, de connaître la véritable provenance de chiot et son profil génétique. Vient-il d’une usine à chiot? Les parents ont-ils des ennuis de santé? A-t-il des problèmes comportementaux? Est-ce que le tempérament de chiot vous convient? C’est impossible de savoir.

Un ami m’a dit avoir déjà vu une caisse arriver à Montréal contenant 10 chiots, dont 2 décédés...voici une triste réalité.

C’est facile de savoir si vous achetez un chiot d’un revendeur ou non. Généralement, les chiots sont vendus à l’âge de 3 - 4 mois et ne sont pas enregistrés. Il est impossible de voir les parents ou de photos de portée démontrant l’évolution du chiot.

Élevage familial : Beaucoup de gens aiment cette expression qui, je vous l’accorde, est rassurante : les chiots sont élevés à la maison et non pas dans un chenil ou à l’extérieur. Mais si l'on y pense bien, le fait que le chiot soit élevé « dans la maison » et « par la famille » ne fait pas en sorte que les gens qui font l’élevage ont nécessairement les compétences, les connaissances et les habiletés nécessaires pour offrir un environnement sain et une socialisation adéquate aux chiots.

J’ai déjà visité un élevage professionnel où le chenil (oui, chaque chien avait son propre enclos, un peu comme un box de cheval) est d’une propreté exemplaire. Les chiens profitent d’immenses espaces clôturés et sont sortis quotidiennement pour de grandes promenades et de baignades à la rivière. Les femelles mettent bas dans une maternité spécialement aménagée avec un système de caméras en circuit fermé. Ce n’est donc pas un élevage familial, mais les chiens qui s’y trouvent sont bien mieux stimulés et traités que dans certaines familles…

Personnellement, je préfèrerais faire l’acquisition d’un chien auprès d’un chenil fonctionnel que d’une famille dysfonctionnelle. L’expression « élevage familial » n’est donc pas une garantie de la façon dont les chiots sont élevés ou stimulés. Vous pouvez (et devriez) toujours demander à votre éleveur depuis combien de temps il fait de l’élevage, pourquoi il a choisi cette race en particulier, comment il a fait pour acquérir les connaissances nécessaires pour faire de la reproduction et comment il se tient à jour dans ses connaissances, ce qu’il connaît des problèmes de comportement canin, etc…

Vermifugé, vacciné, micropucé : C’est la base, personne ne devrait avoir à se poser la question ! Et pourtant… J’ai déjà vu un chiot vendu 3800$ être remis à sa nouvelle propriétaire dans un stationnement. Le chiot avait le ventre tout gonflé de vers et ses oreilles étaient tellement sales que le vétérinaire a vérifié qu’il ne s’agissait pas de mites.

Les œufs de certains parasites sont très résistants et peuvent survivre longtemps dans l’environnement. La chienne gestante peut, si elle est porteuse de ces parasites, les transmettre à ses chiots. Cela est normal et il faut savoir qu’un bon éleveur va normalement vermifuger régulièrement ses chiens, de même qu’une femelle gestante ou qui a mis bas par mesure de précaution.

En principe, tout éleveur responsable va faire examiner ses chiots avant qu’ils ne soient remis à sa famille adoptante. Ils doivent également recevoir une vaccination de base qui devra être répétée. Une micropuce ne coûte qu’une dizaine de dollars, l’acte vétérinaire pour la pose de la micropuce un peu plus. Par contre, c’est une nécessité, que le chiot soit enregistré au CCC ou non. C’est le seul moyen d’identifier votre chien car un collier et une médaille sont si vite perdus.

Bref, tout bon éleveur responsable vous remettra, avec votre chiot, un carnet de vaccination et un numéro de micropuce.

Garantie : Oh, le gros mot! Oui, oui, vous avez bien lu : le gros mot!

La grande majorité des éleveurs offrent une garantie de santé. Et les acheteurs se sentent à l’abri parce qu’il y a une garantie. Mais une garantie pour quoi au juste? Lisez bien les clauses de garanties de votre contrat d’adoption et ce que cela couvre : est-ce toute forme de maladie, les maladies héréditaires seulement ou les maladies congénitales?  Fatales ou non?

On va se dire la vérité : peu importe la réponse à toutes ces questions, une fois que vous aurez votre chiot dans les bras, si on vous dit de le ramener pour l’échanger, vous ne voudrez pas le rendre parce qu’il y a ce lien d’attachement qui se fait vite est qui est difficile à briser. Beaucoup d’acheteurs préfèrent garder avec eux leur chiot malade que de le retourner à l’élevage pour en avoir un autre.

Alors ça donne quoi une garantie? La certitude que l’éleveur a suffisamment testé et observé ses reproducteurs pour s’assurer que leur santé est bonne et qu’ils sont exempts de tares génétiques. Gardez cependant en tête qu’un chien, c’est du vivant et que malgré toutes les précautions que prennent les éleveurs, personne n’est à l’abri d’avoir un chiot qui a une malformation.

Chiot socialisé : La socialisation c’est découvrir, expérimenter, comprendre et apprendre (souvent par imitation) les règles sociales, le langage canin, développer son enthousiasme et sa curiosité pour des choses nouvelles. Bref, tout ce le chiot connait ne lui fait plus peur ; plus il est exposé à des choses nouvelles, plus il connait plein de choses.

N’importe quel chiot, qui est exposé minimalement à d’autres stimuli que sa boîte de maternité, va effectivement être socialisé. La véritable question que vous devez poser c’est : à quel point le sera-t-il?

La question peut sembler banale, mais elle ne l’est pas. La très grande majorité des éleveurs que je connais s’assurent que leurs chiots sont socialisés et stimulés et encouragent les familles adoptantes à suivre des cours d’éducation avec leurs chiots. Mais saviez-vous qu’une partie des problèmes comportementaux proviennent de ce qui se passe à l’élevage pendant les deux premiers mois de vie du chiot? (Vous pouvez consulter à cet effet l’excellente thèse de doctorat de Mme Émilie Rosset, La prévention des troubles du comportement chez le chiot à l’élevage, publiée en 2006.) Cette période est cruciale et il est important que le chiot soit dans un milieu propice à son développement, ce qui inclut une familiarisation, une socialisation et une éducation adéquates.

Lorsque vous faites vos recherches, regardez les photos issues des pages et médias des éleveurs : y voyez-vous des jouets, de l’interaction entre les chiots et des personnes / animaux, etc.? Ce sont là de bons indices de la façon dont se fait la socialisation chez l’éleveur que vous choisirez.

Conformation : On lit souvent des posts sur les médias sociaux de propriétaires qui se demandent si leur chiot est conforme. Cela ne veut, à la limite, pas dire grand-chose : si le chien a deux oreilles et quatre pattes, il est conforme à ce qu’on attend du physique d’un chien.

Par contre, si la question vise à déterminer si le chien est conforme au standard la race, c’est une autre histoire.

Un standard de race est l’ensemble des critères de morphologie (incluant la couleur du chien) et de traits comportementaux, exprimés par les individus d’une race en particulier. Le standard est le produit d'une convention entre les éleveurs.

Si vous vous amusez à lire le standard du CCC, vous allez vous rendre compte qu’il est écrit en termes assez généraux. Par exemple, il est mentionné que le bouledogue français ne doit pas peser plus de 28 lbs et qu’il possède des oreilles de chauve-souris. Le standard de la Fédération cynologique internationale, quant à lui, prévoit un minimum et un maximum (20 à 30 lbs pour un mâle et 17,5 à 28 lbs pour une femelle).

Par contre, le fait qu’un chien réponde au standard de la race n’en fait pas nécessairement un champion de conformation. Ces concours visent à évaluer si « dans l’ensemble » le chien respecte le standard de la race.

Lorsque vous voyez des portées annoncées comme « parents champions » ou « chiots issus de lignées de champions », cela signifie que les reproducteurs ou les ancêtres du chiot ont terminé des championnats de conformation.

Couleur : Les couleurs du standard du bouledogue français sont le bringé, le fauve, le crème, le bringé et blanc (avec échancrure : la cravate blanche à l’avant), le caille (le motif vache!) et le fauve à masque noir. Les autres couleurs dites « exotiques » (le bleu, le lilas, le black and tan, le isabella, etc.), ne sont pas de couleurs prévues au standard, mais peuvent être enregistrées au CCC.

Plusieurs partisans des couleurs standards allèguent que les chiens de couleurs exotiques sont porteurs de gènes déficients. Par exemple, on dit souvent que le gène qui permet d’obtenir des couleurs diluées comme le bleu ou le lilas est la source d’une maladie de peau appelée alopécie chez le chien. On a également soutenu que les couleurs exotiques sont rares (ce qui n’est plus vraiment le cas) et que les éleveurs qui reproduisent ces couleurs le font par cupidité.

Cependant, aujourd’hui, avec les avancées scientifiques et tous les tests génétiques possibles, les risques liés à des problèmes de santé chez le chien de couleur exotique peuvent être limités. Cependant, on doit porter une attention particulière à certains dangers spécifiques: reproduire ensemble deux chiens merles augmente considérablement les risques de surdité, de réduction de la taille de l'œil, de fragilité cutanée, etc. Même chose pour les chiens à échancrure envahissante (les tous blancs). De plus, lorsqu'on reproduit pour une couleur particulière, on le fait souvent au détriment d'autre chose: la conformation, la santé ou même, le tempérament, sans compter que pour produire certaines couleurs, on a souvent introduit d'autres races (c'est le cas notamment pour le merle qui n'a jamais existé dans le bouledogue français). Or, les croisements de races créent de l'instabilité, tant sur le plan de la conformation que du tempérament. Or, si le bouledogue français vous plaît et que c'est cette race que vous avez choisie, il est vraisemblable que vous souhaitiez que votre chien ait la bonne structure et le tempérament d'un Frenchie. 

Tests génétiques et de santé : On recommande 5 tests de base chez le bouledogue français : Les cataractes héréditaires (JHC), l’hyperuricosurie (HUU), la rétinopathie multifocale (CMR1) et la myélopathie dégénérative (DM *cependant, une étude américaine récente démontre qu’il n’y a pas d’évidence scientifique que les bouledogues français affectés ne développent la maladie) et le Cystinurie de type 3.  En plus, il faut de tester le cœur, les yeux, les rotules et les hanches et la colonne vertébrale. Ce sont ces tests qu’on recherche en élevage.

Les autres tests génétiques (les tests de locus Kbr, Dd, ky, at, Em, M, L, etc…) ne sont pas des tests liés à la santé. Ce sont des tests qui permettent de prédire les couleurs des chiots qui sont issus d’un croisement. Ils ne vous serviront à rien…à moins que vous ne souhaitiez faire de l’élevage!

En résumé 

Comme vous pouvez le constater, il y a une grande variété d’éleveurs qui produiront des chiots qui répondront, ou non, à vos critères d’achat. Il y a également beaucoup de variables à considérer lorsqu’on veut adopter un chien. Le truc pour faire une acquisition réfléchie de votre futur compagnon c’est de poser des questions aux éleveurs et de vous assurer que vous êtes satisfaits des réponses. Par ailleurs, l’endroit où est situé l’élevage ou le prix du chiot devraient être vos dernières questions.  En effet, l’espérance de vie moyenne d’un bouledogue français est de 11 ans. Or, c’est bien long lorsqu’on a un compagnon qui a des problèmes de santé ou de comportement. Comme le dit le fameux slogan de Mastercard: faire quelques kilomètres de plus pour avoir le compagnon de ses rêves et la tranquillité d’esprit, ça n’a pas de prix…